66ème édition
Utopies !
14 concerts et spectacles
du 1er au 23 juillet 2023

Isabelle Poncelet, Présidente

Els Celis, Directrice artistique

Utopie ! Ce mot signifie littéralement « en aucun lieu » ou « lieu qui n’existe pas » au sens politique, il désigne donc une sorte de société idéale.
Etant un des arts du temps, la musique, sans doute plus que l’art
pictural, fait voyager, génère de l’imaginaire, nous transporte dans des
mondes qui n’existent pas, peut être idéals.
Présente dans toutes les civilisations humaines et depuis l’origine de
l’homme, cette expression artistique est effectivement « un besoin universel de l’esprit humain » (F. Wolff, Pourquoi la musique, 2019), on ne peut s’en passer, on ne peut vivre sans ces rêveries, sans évasions, sans émotions. Si, temporairement, certains régimes politiques autoritaires ont bridé ce mode d’expression, à l’échelle de l’histoire de l’humanité, ces actions sont restées très marginales.
Pourquoi la musique prend-elle tant de place dans nos vies, dans nos
loisirs ?
Aujourd’hui, on ne compte plus les études qui tentent de comprendre ce qui se passe dans le cerveau humain au moment de l’écoute ou de la pratique musicale. Il est clairement démontré que les effets de la musique sur le cerveau sont multiples, quel que soit le style, parce que plusieurs régions cérébrales sont impliquées, régions qui traitent par ailleurs la mémoire, les émotions, les mouvements ou d’autres modalités sensorielles. Mais ce qui rend la musique si extraordinaire, c’est que, d’une part, elle active toutes ces zones du cerveau en même temps en créant au passage de nouvelles connexions tellement utiles pour les autres apprentissages et, d’autre part, pour la majorité des personnes, elle touche les circuits du plaisir, des émotions et donc de l’évasion. Si aujourd’hui on peut mieux comprendre pourquoi la musique nous apporte autant d’effet positif, cela n’enlève absolument rien du plaisir qu’elle nous procure. Que ce soit de la musique vocale ou instrumentale, de Orlando di Lasso à Ola Gjeila en passant par les plus grands noms et les œuvres magnifiques qui sont proposés dans la programmation de la nouvelle saison du Festival Royal Juillet Musical de Saint-Hubert, nous cherchons le plaisir musical.
Pour ce juillet 2023, nous vous souhaitons de belles évasions, de singulières utopies.
Ne boudons pas nos plaisirs !

L’utopie est-elle inhérente à toute démarche artistique ? La question mérite d’être posée car ce terme, qui chez Thomas More signifie « qui n’est nulle part » a rapidement pris une dimension plus large pour embrasser globalement la notion d’idéal, de vision transcendante qui mobilise l’esprit et le pousse irrésistiblement en avant, cela même si le but à atteindre s’échappe sans cesse. L’artiste créateur n’est-il pas mû par cette formidable énergie, qui lui permet de se sublimer à la recherche d’un idéal d’autant plus admirable qu’il est insaisissable ?
Ainsi par exemple, il semble évident qu’un compositeur comme Ludwig van Beethoven sublime par sa musique les limites de sa condition humaine et de son handicap auditif. Sa musique le fait littéralement exister, en héros romantique (concert du 1er juillet). Robert Schumann et Gustav Mahler transfigurent également leurs destins contrariés par la grâce d’une utopie musicale qui dépasse le quotidien et leur fait tutoyer les étoiles (concert du 22 juillet).
Les récitals de musique chorale incarnent souvent une autre forme
d’utopie, à savoir raconter une histoire cohérente à partir d’une mosaïque de pièces issues de périodes et d’esthétiques contrastées. Ce défi sera relevé ces 8 et 16 juillet. Créer une « véritable » musique américaine a également représenté une forme d’utopie, dans un pays qui présente une variété ethnique (via plusieurs vagues d’immigrations européennes, latino-américaines et asiatiques) qui rend virtuellement impossible une synthèse crédible. Pour autant, Samuel Barber, Gian Carlo Menotti et Aaron Copland ont proposé diverses solutions pour résoudre cette équation, en un savant mélange de romantisme chaleureux, de tableaux descriptifs et de discrètes références au pays et à ses traditions (concert du 9 juillet). L’amour est-il une utopie ? Vaste débat au sein duquel chacun se débat comme il peut ! Ce sentiment ô combien puissant et précieux inspire en tout cas nombre de fantasmes … et de désillusions, comme vous le raconte avec beaucoup d’éloquence le « Mad Lover » de ce 15 juillet. Utopie sans doute, mais surtout une rare capacité à assumer son destin pour Joséphine Baker, capable à la fois de réaliser son rêve parisien, de se transformer en résistante en pleine guerre mondiale puis de créer autour d’elle un utopique et chaleureux refuge multi-ethnique pour enfants. Un destin hors normes qui sera évoqué le 21 juillet. Utopie encore, toujours renouvelée, dès lors qu’il s’agit de cultiver avec talent l’art du crossover, qui permet le dialogue et la complicité entre des musiques aux essences différentes. Démonstration le 2 juillet ! Utopie enfin, elle qui consiste à transcrire, et donc à retrouver toute la magie de musiques aux origines diverses à travers un dispositif instrumental très différent de l’original. Anneleen Lenaerts vous en fait la brillante démonstration le 23 juillet. Sous toutes ses formes, l’utopie accompagne nombre de destinées et de créations artistiques dont elle constitue parfois le moteur, la source d’inspiration, l’étincelle initiale. Cette saison vous offre l’occasion de découvrir quelques joyaux nés au cœur de ce formidable bouillonnement d’idées.